15% des jeunes femmes ont un usage dit “à risque” de l’alcool. Binge drinking, difficultés personnelles, évolution du mode de vie, les causes sont multiples. Mais les conséquences d’une alcoolisation excessive peuvent être plus graves pour les femmes que pour les consommateurs masculins.

« Mes amies trouvent que je bois beaucoup et surtout quotidiennement ». Manon, 21 ans, étudiante en communication, a commencé à boire à 15 ans. Quatre ans plus tard, elle admet que c’est trop : « je bois en famille, entre amis, la semaine et le week-end, de l’alcool fort et du vin ». Le cas de Manon n’est pas isolé. À ce jour, on évalue à 15% le nombre de femmes de moins de 35 ans ayant un usage dit « à risque » de l’alcool, selon une enquête de 2018, commandée par le gouvernement sur le rapport des Français à l’alcool au travail. Laurent Buffière, chef du service éducatif de l’établissement de soins Sainte-Marie situé en Lozère,observe que 20% des patientes ont entre 15 et 20 ans : « souvent des femmes qui ont subi des violences sexuelles, elles viennent ici retrouver leur féminité (…). Elles détournent l’usage festif de l’alcool, pour en faire un moyen d’oublier une période de leur vie ». Des propos que l’addictologue et secrétaire général de l’association Addiction France, Hervé Martini, soutient : « dans les consultations des femmes plus âgées qui ont commencé à boire à cet âge-là, on constate des abus ». Souvent, c’est l’élément déclencheur.
L’alcoolisme au féminin a pris de l’ampleur ces dernières années. « La jeune femme d’aujourd’hui consomme plus que celle des années 70. Elle est polyconsommatrice », confirme Hervé Martini. Selon l’étude « Boire et fumer restent marqués par le genre » publiée en septembre 2017, basée sur les enquêtes décennales menées par l’Insee, on observe une bascule aux alentours des années 2000 : « En 1980 le niveau de consommation est faible et homogène ». En 2002, une différenciation est constatée selon les formes de vie familiale : « les jeunes femmes vivant seules sont plus nombreuses à avoir une consommation à risque que les femmes mariées avec enfant.s. ». Alyssa fait partie de celles pour qui l’alcool a pris une place importante dans sa vie : « boire m’aidait à m’échapper de la réalité. Sous son emprise, je me sentais heureuse. J’étais ivre presque tous les jours, et buvais de tout, jusqu’à un accident de voiture où j’ai failli trouver la mort ».

Inégalité face aux risques.
« Le binge-drinking et les rites de passage juvénile n’ont pas de genre », admet Sarah Perrin, doctorante en sociologie et auteure d’une thèse sur l’insertion des femmes dans le monde de la drogue. En moyenne, une femme entre 14 et 24 ans a consommé 8,6 verres lors de sa dernière ivresse, selon le Baromètre santé de l’Inpes en 2014. Et, les jeunes redoublent d’inventivité pour atteindre l’ivresse rapidement : « Certaines trempent leur tampon hygiénique dans de la vodka avant de l’introduire dans leur vagin. Cette pratique apporte des effets quasi-immédiats » témoigne Stéphanie Ladel, addictologue et travailleuse sociale.

Face à ces consommations excessives, l’inégalité réside aussi dans la vulnérabilité. Pour la spécialiste Sarah Perrin : « Alcoolisées, les femmes sont plus en proie aux violences sexuelles. Après, en tant que victimes, elle se sentent coupables ». Face à cet enjeu de santé publique, Catherine Simon, vice-présidente de l’ANPAA martèle : il faut « s’informer, et être attentif à ses émotions ».